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Cent Mille milliards d’habitats - OuHaPo – Ouvroir d’Habitat Potentiel 

Raymond Queneau propose une œuvre poétique conçue non pas « par un mais pour tous » (citant Lautréamont) et compose des vers qui, combinés entre eux par le lecteur grâce à un dispositif original d’édition, sont capables de produire Cent mille milliards de poèmes, autant que de temps à lire dans une vie, ou autant que de lecteurs qui en feront l’expérience.

Littérateur-mathématicien, grâce à cette combinatoire, il ne conçoit plus des poèmes mais des vers qui combinés ensembles par les lecteurs selon leur désir composent chacun à leur manière une multitude d’œuvres inspirées.

OuHaPo repose ainsi sur une nouvelle règle simple de changement d’unité de travail :

Le logement n’est plus imaginé comme un ensemble divisé en partie mais comme des parties combinées ensemble.

> Le logement est pensé non pas à l’échelle d’un foyer que nous ne saurions définir aujourd’hui, mais plutôt à partir de sa plus petite unité (la pièce, carrée), dont on pourrait choisir sa relation avec les autres. A l’image de ses habitants.

Cette conception bouscule nos habitudes de travail et change notre point de vue et notre pensée du logement. Elle est à l’origine de cet immeuble flexible, composé de logements ouverts, adaptables, évolutifs, interprétables, pour que chacun puisse inventer un logement qui lui ressemble, puisse rester chez soi et se réinventer lorsque la vie change, mais aussi pour que puissent s’épanouir différents modes de vies lorsque les habitants de succèdent dans un même logement.

> L’unité est une pièce carrée de 14m², surface aujourd’hui inédite dans le logement. Cela présage une ouverture, une autre manière d’envisager l’habiter.

> L’usage de chaque pièce n’est pas établi par l’architecte mais choisi par l’habitant. Chacune d’entre elles est connectée à une gaine de logement : chacune peut être, au choix de l’habitant, une pièce sèche ou une pièce humide.

> L’habitant achète autant de pièces qu’il le souhaite

Dans un désir d’être adaptable au plus près des moyens financiers et des besoins des habitants, le pas entre chaque surface de logement possible est d’une demi-unité (7 m²), créant ainsi une pyramide de offrant un choix plus large et plus adapté que les 4 typologies conventionnelles (T2, T3, T4 et T5)

> L’habitant compose le logement qu’il désire à partir de la nouvelle grammaire que nous lui proposons.

Le logement est un espace de liberté.

C’est un lieu capable d’accueillir autant de modes de vie qu’il y a d’habitants. C’est un lieu où l’on se projette, un lieu que l’on transforme, que l’on fait sien, le lieu que l’on invente, où l’on s’invente. Innover aujourd’hui, c’est permettre que puissent s’épanouir la diversité des formes de foyer et des modes de vies, les particularismes chers à nos contemporains.

Aujourd’hui les programmes de logements sont fondés sur 5 types de logement s’appuyant sur des préalables aujourd’hui révolus : T2 un couple, T3 un couple et un enfant, T4 un couple et deux enfants, T5 un couple et trois enfants. Autant de séjours de 20 à 25 m², de chambres de 9 à 12 m², de halls d’entrées devenus très grands et de cuisines fermées ; en bref, une série de règles cumulées aux normes et contraintes de plus en plus lourdes que l’architecte ne peut résoudre qu’en une variation très restreinte de typologies.

Cette restriction finit par produire un logement sclérosé, standardisé, et en inadéquation avec l’évolution sociétale que nous connaissons depuis quelques décennies.
Cette période a vu les familles se décomposer et se recomposer, la vieillesse chercher d’autres formes d’habitat intergénérationnel, les nouveaux célibataires soudant de nouvelles solidarités et mutualisations pour former de nouvelles formes de co-habitat. Les tentatives existent bien-sûr mais il en résulte toujours un habitat adapté à un profil spécifique.

Le rituel du repas a changé et s’est tourné vers d’autres temporalités, les écrans interrogent la clarté des espaces, et les hiérarchies dans la famille rendent caduques les indépendances entre pièces (chambres parents versus chambres enfants). Les besoins d’indépendances de certains (jeunes couples habitant chez les parents), de dépendances des autres (personnes âgées capables d’accueillir petits enfants occasionnellement ou aide-soignant quotidiennement) bouleversent le schéma « nodal » du logement. Les logements sont aujourd’hui inadaptés.

Ici, nous voudrions accueillir dans le même immeuble la plus grande diversité des possibles pour que puisse s’avoisiner ceux qui travaillent chez eux, ceux qui cohabitent ou dé cohabitent, se recomposent, vieillissent, vivent encore en couple chez leur parents, mais aussi ceux qui rêvent d’un loft, ceux qui rêvent d’un dortoir pour les enfants, ceux qui voient la cuisine comme le cœur de leur logement… ceux qui ne cuisinent jamais mais rêvent d’apéros avec les voisins sur la coursive, ; en bref, faire ville à partir de l’habitat.

Nous postulons qu’innover, c’est construire le logement d’aujourd’hui.
Un aujourd’hui caractérisé par l’agilité et la flexibilité.

Changer le logement, c’est changer avant tout les manières de faire et de penser le logement. Nous pensons qu’ensemble – concepteurs, Maitre d’ouvrages et acteurs politiques – pouvons imaginer plus largement et plus librement cet environnement de demain. Et qu’il nous faut déverrouiller les contraintes qui reposent sur des schémas dépassés. Ce projet en est une modeste proposition.

A l’instar de l’œuvre Cent Mille Milliard de Poèmes de Raymond Queneau, écrit dans le cadre du mouvement artistique OULIPO, acronyme de Ouvroir de Littérature Potentielle.