
Interprétations +
Notre pratique est paradoxale et c’est probablement ce qui la rend passionnante. D’un côté, nous traçons sans cesse des traits qui séparent et délimitent – et assumons cet acte définitif inhérent à l’architecte : nous aimons la part concrète, la gravité et la matérialité de l’architecture. De l’autre, nous cherchons à délimiter sans limiter, à stimuler l’improbable, à créer des possibles. Nous cherchons des dispositifs, des systèmes ouverts, non finis, capables de déclencher, dans les usages, la rencontre, l'appropriation, l'invention, la manifestation du multiple pour soi et avec les autres.
Ce paradoxe débouche sur la recherche d’un équilibre entre dessiner et lever le crayon, entre le définitif et l’ouvert, entre l’intransigeance et la souplesse, l’un et l’autre indispensables à la libre appropriation. Ainsi, nos projets sont ils souvent strictement structurés (par la géométrie et la trame par exemple). Cette rigueur apparente – qui pourrait sembler être une entrave à l’émancipation des usages – vise en réalité la mise en place d’une règle du jeu, c’est à dire une invitation à l’imagination et à la transgression. Une part d’inconvenance, d’inconnu ou d’inédit se glisse dans nos plans pour stimuler l’imaginaire des utilisateurs.
Créer ce potentiel suppose aussi de se mettre en retrait – lever le crayon – pour céder la place : pour que les habitants se projettent et, qu’à leur tour, ils fassent projet. Dans cet objectif nous développons des mathématiques (souples) de situations (désirables). L’abstraction mathématique a cette double qualité qu’elle interdit au dessin de s’appesantir (la tentation vaine d’en faire un peu plus, un peu trop) et qu’elle permet au projet de s’affirmer de manière ouverte en créant des partitions interprétables par ses utilisateurs. Notre second levier est une architecture simple, épurée, sans apparat, qui tient ses qualités non pas d’un caractère ostentatoire ou cosmétique, mais plutôt des usages et des appropriations qu’elle engendre. Enfin, nous conduisons nos projets comme des invitations adressées aux maîtres d’ouvrage, aux gestionnaires, aux entreprises, pour « faire ensemble ». Nous pensons l’acte d’architecture comme un temps de collaboration fertile, un temps charnière entre une volonté politique et une réalité habitée.
Nous recherchons une architecture définie par moins de vanité et plus d’assertivité, une architecture qui célèbre ce qui va advenir plutôt qu’elle-même. L’architecture n’est pas une fin en soi, et nous désirons toujours que le vivant prenne le dessus, qu’elle nous échappe une fois livrée.
Nous voyons l’architecture comme un principe fertile.
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